Travaux viticoles

Auteur : GAUCHER-PIOLA Alexis
Publié le : 01/02/2006 01 février févr. 02 2006

Le délit de prêt de main-d'oeuvreTrès nombreuses sont les exploitations qui font appel à des prestataires de travaux viticoles pour effectuer différentes tâches dans le vignoble.

Le recours à ces prestataires de travaux viticoles permet d'obtenir une main-d'oeuvre qualifiée, sans se soucier de la règlementation parfois imposante, prévue par le Code du Travail.

Le recours à de la main-d'oeuvre extérieure permet aussi aux entreprises de limiter les charges fixes de personnel tout en bénéficiant d'un savoir faire dont elles ne disposent pas forcément en interne.

Il s'agit d'un phénomène d'extériorisation d'emploi qui se développe dans de nombreux domaines.

En l'espèce, les prestataires viticoles fournissent, pour des tâches de toute nature, du matériel et de la main-d'oeuvre, soit en fonction d'une tâche déterminée, soit annuellement pour l'ensemble des tâches que requiert le vignoble.

Cependant, l'Inspection du Travail sévit et opère des contrôles sur le terrain dans le but de réprimer la pratique du marchandage ou encore le prêt illicite de main-d'oeuvre.

De quoi s'agit-il ?

Le recours à de la main-d'œuvre extérieure sur une propriété viticole est très encadré par le Code du Travail.

La difficulté vient de l'article L 125-3 du Code du Travail qui précise que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'œuvre est interdite sous peine de sanctions pénales.

C'est donc sur la base de ce texte que l'Inspection du Travail procède à des contrôles sévères.

Si une exploitation viticole souhaite avoir recours à de la main-d'œuvre extérieure pour effectuer des tâches relatives à la taille, au rognage etc..., elle doit faire appel, selon le Code du Travail, à des entreprises de travail temporaire ou bien aux services de l'ANPE.

Le Code du Travail ne prévoit donc pas expressément la possibilité d'un recours aux prestataires viticoles.

Pourtant les exploitations viticoles sont souvent dans de grandes difficultés puisqu'elles ont le plus grand mal à obtenir des ouvriers qualifiés dans des délais raisonnables.

L'ANPE et les Entreprises de Travail Temporaire ne sont pas en mesure concrètement de fournir rapidement de la main-d'œuvre qualifiée.

En réalité, si certaines conditions sont remplies, il est tout à fait possible de recourir aux prestataires viticoles.

En effet, une exploitation viticole n'est pas obligée de passer par l'ANPE ou par les services d'une Entreprise de Travail Temporaire et peut choisir un prestataire viticole si les deux conditions sont remplies.

La première condition tient à ce que le prestataire viticole dirige lui-même le personnel qu’il met à disposition de l’entreprise et qu’il apporte son matériel.

Si au contraire le personnel mis à disposition par l’Entreprise prestataire viticole est sous la direction du gérant de l’exploitation viticole, alors l’Inspection du Travail considèrera cette pratique comme un prêt de main-d’œuvre illicite passible de sanctions pénales (jusqu’à 30.000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement).

La seconde condition consiste à ce que le contrat entre l’exploitation viticole et le prestataire viticole soit désigné comme un contrat de sous-traitance et prévoit l’exécution de tâches objectives nettement définies et habituellement rémunérées de façon forfaitaire.

Si au contraire les tâches viticoles sont rémunérées en fonction du nombre d’heures effectuées par le personnel mis à disposition par l’entreprise prestataire, alors l’Inspection du Travail considèrera qu’il n’y a pas de contrat de sous-traitance mais prêt de main-d’œuvre illicite.

Cette législation est relativement méconnue et ce d’autant plus que la MSA a distribué, il y a quelques mois, une note sur cette question en indiquant, à tort, qu’il est interdit d’avoir recours à des prestataires de main-d’œuvre viticole.

Il y a donc un réel problème d’information sur ce point.

Nous citerons une affaire récente jugée par la Cour d’Appel de BORDEAUX le 6 décembre 2005, en la matière.

Dans la région, une propriété viticole du nom de Château T. a fait l’objet, en juillet 2004, d’une visite de l’Inspection du Travail.

Au cours de son contrôle, l’Inspecteur du Travail a remarqué qu’une dizaine de salariés employés par un prestataire viticole travaillaient à l’échardage dans le vignoble (l’échardage est une des opérations de l’épamprage qui consiste à sélectionner les rameaux fructifères de ceux qui ne le sont pas).

L’Inspection du Travail a dressé un procès-verbal d’infraction en estimant que le fait pour une entreprise prestataire viticole de proposer à une exploitation viticole, en échange d’une rémunération, l’accomplissement par son personnel de tâches simples ne nécessitant aucune connaissance particulière de technicité spécifique revient à la mise à disposition illicite d’une réserve de main d’œuvre.

L’Inspection du Travail estimait ainsi que le personnel n’apportait que ses «bras» pour une activité purement manuelle et de réalisation simple.

L’Inspection du Travail estimait que le Château T. éludait ainsi les formalités liées au recrutement tels que la recherche de salariés, la déclaration d’embauche, le contrat de travail et l’élaboration des documents administratifs tels que la fiche de paie, le certificat de travail, l’attestation ASSEDIC, le relevé des heures etc…

L’Inspection du Travail concluait ainsi en indiquant que l’exploitation viticole payait un apport de personnel saisonnier pour la réalisation de travaux qu’elle aurait pu exécuter elle-même en recrutant directement ce personnel.

L’Inspection du Travail a transmis ce procès-verbal au Procureur de la République du Tribunal, lequel s’est donc saisi de l’affaire.

Le Tribunal Correctionnel ne l’a pas entendu ainsi et a relaxé le Château T. en indiquant que le prêt de main-d’œuvre illicite n’était pas caractérisé.

Le Procureur de la République a fait appel et la Cour d’Appel de BORDEAUX a confirmé que le Château T. n’était pas en infraction avec la règlementation du Travail.

La Cour d’Appel de BORDEAUX a motivé sa décision en indiquant que le Château T. et l’Entreprise prestataire viticole étaient liés pour l’année 2003 par un contrat de sous-traitance pour nombre de travaux agricoles de l’exploitation cliente.

La Cour d’Appel a ainsi précisé qu’il s’agissait là d’un contrat annuel, rémunéré d’une façon forfaitaire et qui a pour objet l’exécution de tâches spécifiques intervenant à différents moments de l’année culturale.

La Cour d’Appel de BORDEAUX a rappelé que, en l’espèce, l’équipe de salariés contrôlée par l’Inspecteur du Travail n’était composée que de salariés de l’Entreprise prestataire viticole qui était directement sous les ordres d’un chef d’équipe de cette entreprise.

Le Chef d’équipe était présent sur les lieux et par conséquent, il n’était pas démontré que l’exploitation viticole avait un pouvoir de direction sur le personnel du prestataire qui avait été mis à disposition.

En résumé, il est tout à fait possible pour une exploitation viticole d’avoir recours à un prestataire viticole plutôt qu’au service de l’ANPE ou à une entreprise de travail temporaire.

Il est seulement conseillé de conclure un contrat de sous-traitance avec cette entreprise viticole.

Ce contrat de sous-traitance devra impérativement détailler les travaux manuels qui seront effectués ainsi que la rémunération forfaitaire de ces travaux.

En outre, ce contrat de sous-traitance devra préciser que durant la durée de l’exécution du contrat, le prestataire assurera seul la direction des travaux techniques et dirigera seul son personnel qu’il détachera sur l’exploitation viticole.

Le contrat précisera en outre que le matériel fourni par le prestataire ne pourra être utilisé que par les préposés du prestataire.

La Cour d’Appel de BORDEAUX a donc fait une parfaite application des textes et a contribué, par son arrêt du 6 décembre 2005, à éclaircir les conditions permettant le recours à un prestataire viticole.





Cet article n'engage que son auteur.

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