Quand le remboursement du compte courant d’associé constitue une faute de gestion du gérant
Auteur : GAUCHER-PIOLA Alexis
Publié le :
16/10/2018
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La chambre commerciale de la Cour suprême a rendu une décision intéressante le 24 mai 2018, posant une limite au remboursement d’un compte courant d’associé. Mais faisons au préalable un petit rappel. Le compte courant d’associé qui peut être créé, soit au moment de la constitution de la société, soit en cours de vie sociale, a différents intérêts.
En effet, l’avance en compte courant permet d’une part, de dispenser la société de recourir aux prêts bancaires et donc aux intérêts idoines.
Il a pour but d’assurer à la société des facilités de trésorerie en augmentant de façon plus ou moins substantielle le fond de roulement de cette dernière.
L’avance en compte courant permet aussi de constituer une garantie pour les banques dans les cas où le capital social semble insuffisant au moment de la souscription de l’engagement bancaire.
Des difficultés peuvent rapidement naître lorsque les valeurs contenues dans le compte courant d’associé deviennent importantes au regard de la situation financière de la société.
En effet, tout associé est en droit de réclamer, à tout moment, le remboursement de son compte courant d’associé.
Il est donc conseillé de prévoir, dans la convention de compte courant, que les fonds en compte courant ne pourront être retirés qu’après un certain délai de préavis.
Il peut être en outre précisé dans les statuts ou dans la convention de compte que les sommes qui seront retirées ne pourront dépasser chaque trimestre telle proportion.
Ainsi les modalités de remboursement du compte courant sont précisées, en principe, dans les statuts ou dans une convention passée entre l’associé prêteur et la société.
Ce droit en remboursement immédiat ne peut pas être supprimé par une décision collective imposant un blocage des avances en compte courant, en l’absence d’accord unanime des associés.
Il existe peu de possibilités de s’opposer, en dehors de toute convention, au remboursement du compte courant d’associé au profit de celui qui en demande le retrait.
Certaines décisions de Cour d’Appels indiquent qu’une demande de remboursement d’un compte courant d’associé peut être analysée comme une demande manifestement contraire à l’intérêt social de la Société.
Prenons l’exemple dans lequel une Société a bénéficié pendant de nombreuses années d’apports en compte courant par les associés.
Dans ce cas, les associés ont fait des apports de façon égale.
Si l’un des associés demande le remboursement de son compte courant, les tribunaux pourraient s’y opposer au motif que cette demande de remboursement romprait le pacte social et serait ainsi contraire à l’esprit de société. Mais revenons à l’arrêt rendu très récemment par la Cour de Cassation, cette année. Selon la Cour de Cassation, si les associés ont droit au remboursement à tout moment de leur compte dit courant, c'est à la condition que ce remboursement ne constitue pas un paiement préférentiel au détriment des créanciers.
Dans cette affaire, une société a été reconnue par un tribunal débitrice d'une somme avoisinant 170 000 €. Quelques jours après, le gérant associé de cette société procède au remboursement des comptes courants d'associés, dont le sien, pour une somme totale de 150 000 €. Puis quelques semaines plus tard, le gérant déclare la société en état de cessation des paiements. Celle-ci est mise en liquidation judiciaire et le gérant est assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société.
La Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir condamné ce gérant à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 150 000 €. En effet, si les associés ont droit au remboursement à tout moment de leur compte courant, c'est à la condition que ce remboursement ne constitue pas un paiement préférentiel au détriment des créanciers de l'entreprise. En l'espèce, les remboursements des comptes courants ont été effectués quelques jours après qu'une décision de justice a ordonné à la société de payer une importante somme d'argent. À cette date, le gérant savait que la déclaration de cessation des paiements était inéluctable car toute activité de la société avait disparu. Dès lors, les remboursements des comptes courants d'associés constituaient des fautes de gestion car ils privaient la société de toute trésorerie du fait de l'absence d'actif disponible permettant d'exécuter la condamnation.
Cet article n'engage que son auteur.
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